mercredi 21 septembre 2011

Le burnout ou épuisement professionnel (2) Les mêmes risques pour tous les métiers et dans tous les pays ?



Les études consacrées au burnout, depuis les premiers travaux aux Etats-Unis dans les années 1970, concernent essentiellement les métiers du soin : professions médicales, travailleurs sociaux, mais aussi, pour autant qu'on accepte d'étendre la notion de soin à toute activité qui implique la prise en charge de l'autre, les professions éducatives.

Le focus des études concernant le burnout sur les professions impliquant une relation de soin entre un professionnel et un patient relève-t-il du hasard ? Certes, les premières observations de cas de burnout concernent les travailleurs bénévoles en cliniques accueillant des toxicomanes, mais on aurait pu imaginer un développement rapide du champ d'étude en direction du monde professionnel en général. Or, la majorité des travaux concernent toujours les métiers du soin, et ce vraisemblablement parce que cette relation de soin est hautement fragilisante. La seconde dimension du Maslach Burnout Inventory est spécifiquement pensée d'ailleurs pour en décrire le dysfonctionnement : la dépersonnalisation se manifeste par une perte d'intérêt pour le bien-être de l'autre, et peut se transformer assez rapidement en attitude agressive à son égard. La spécificité de cette dimension donne donc lieu à des discussions dans le milieu de la recherche, certaines études pointant son manque de pertinence pour les autres organisations de travail.

Par exemple, une étude publiée en 2000 dans la revue anglaise Occupational and Organizational Psychology a été menée conjointement dans trois pays : les Pays-Bas, la Finlande et la Suède. Il s'agissait d'observer les manifestations du burnout chez tous les salariés – donc, pour la première fois, y compris chez les travailleurs manuels – d'une même entreprise (dans l'industrie du bois), installée en Finlande et ayant des filiales au Pays-Bas et en Suède. En tout, ce sont plus de 9000 salariés qui ont été interrogés.

Deux hypothèses demandaient donc à être vérifiées :

- d'une part, le MBI n'est pas forcément adapté au diagnostic du burnout dans les professions autres que celles concernant le soin. L'idée est notamment que la relation au patient n'est pas comparable à celle que l'on a avec un collègue ou un supérieur hiérarchique.

- d'autre part, des différences entre les pays sont peut-être observables, auquel cas on pourrait affiner la connaissance que l'on a des facteurs organisationnels en jeu dans le déclenchement du burnout.

Les résultats concernant la validité du MBI lui conservent sa valeur d'outil diagnostique efficace. Néanmoins, la seconde dimension (la dépersonnalisation) est pointée comme comportant un item ambigu, à revoir voire à supprimer. L'item « cynisme » peut en effet donner lieu à des interprétations parfaitement contradictoires. Il est en effet ainsi formulé : « Je veux juste faire mon travail et ne pas être importuné. » [I just want to do my job and not be bothered]. Censé permettre de repérer le désengagement du salarié et l'isolement, l'enfermement sur soi, cet item peut en effet tout aussi bien donner lieu à des réponses positives de la part de personnes très motivées par leur travail, très engagées dans leurs tâches et désireuses de préserver leur concentration.

La comparaison entre les cadres et les travailleurs manuels sont extrêmement intéressantes : les premiers souffrent visiblement plus de la baisse de performance et montrent moins de signes de dépersonnalisation. Ce résultat s'expliquerait par le fait que les conditions de travail sont globalement plus favorables pour les cadres que pour les travailleurs manuels. Dès lors, l'autonomie, la complexité des tâches et le respect des collègues qui y est corrélé jouent comme des facteurs de protection, tandis que les travailleurs manuels seraient d'emblée plus fragilisés et plus prompts à prendre des distances avec leur poste. En revanche, aucune différence n'est à noter entre cadres et travailleurs manuels quant à l'intensité de l'épuisement ressenti.

Les différences observées entre la Suède, la Finlande et les Pays-Bas font de ces derniers le lieu de travail le plus favorable aux salariés. Les auteurs restent très prudents quant aux résultats qu'ils affichent, dans la mesure où les échantillons suédois et néerlandais sont quantitativement nettement moins importants que l'échantillon finlandais. Ils soulignent néanmoins que :

- une étude publiée en 1997 avait déjà montré que les enseignants néerlandais montraient nettement moins de signes d'épuisement émotionnel et de dépersonnalisation que les enseignants canadiens auxquels ils étaient comparés. Y aurait-il un modèle néerlandais à suivre, ou bien n'y a-t-il là qu'un artefact ?

- la comparaison entre Suède, Finlande et Pays-Bas a été menée au sein de la même entreprise. Dès lors, le fait que les résultats néerlandais se singularisent nettement semble plaider en faveur de différences nationales, au-delà de l'organisation du travail propre à l'entreprise étudiée : en ce cas, le burnout serait corrélable à des variables sociales et politiques dépassant le cadre strict de l'entreprise.


Crédit photo : Chasqui (Luis Tamayo)