mardi 23 février 2010

Veille Documentaire- 23 Février 2010

Bonjour à tous,

Pour bien débuter la semaine et mieux décrypter ce qui s’annonce, voici la synthèse de l’actualité qui a marqué les précédents jours.

Commençons par les études statistiques.
-Depuis ce mois-ci débute une importante étude sur les conditions de travail et la santé des professionnels du secteur agricole. L’institut de veille sanitaire et la Mutualité sociale agricole, pilotés par le Département santé travail, souhaitent en effet constituer un échantillon aléatoire de 10 000 professionnels afin de les soumettre à un questionnaire. Cette étude s’inscrit dans un programme plus général de surveillance de la population au travail. Sur le long terme, le programme Coset se donne l’ambition de comparer les résultats avec d’autres secteurs professionnels. L’objectif sera « d’identifier les métiers et les conditions de travail à risque et de mesurer leur impact sur la santé de la population dans le but de proposer des recommandations en matière de prévention ». (Source : Info Expo protection)

-L’expansion publie les résultats d’études de genre sur le stress. Ces recherches comparatives pointent le stress professionnel en tant que risque psychosocial touchant d’avantage la population féminine. Plusieurs raisons sont avancées: une surcharge de travail (80% des femmes portent également les responsabilités relatives au management familial), des facteurs hormonaux (responsables d’une plus grande réceptivité aux changements environnementaux) et le plafond de verre auquel se heurtent une écrasante majorité de professionnelles. Toutefois, ces études affirment aussi l’impact positif du travail sur la santé, la longévité et le psychisme des femmes, l’absence d’un investissement de la sphère professionnelle étant corrélée avec un plus fort taux de vulnérabilités.

-La situation ne se décante pas pour France Télécom. L’information, relayée par tous les journaux, annonce la mort de deux employés de France Télécom ces derniers jours. Le porte-parole du groupe n’a pas évoqué de lien entre ces actes et des raisons professionnelles. (Sources: Le Point, Le Figaro, L'expansion)

-Parallèlement, les négociations sur le stress de France Télécom se poursuivent. Entre le 19 février et le 5 mars, les syndicats devront prendre position sur deux accords : l’un est axé sur une meilleure répartition du temps entre vie privée et vie professionnelle, l’autre souhaite instaurer une "politique de mobilité essentiellement basée sur le volontariat". (Source: Le Point)

Deux articles méritent le détour.
-Dans un entretien intitulé « stress et harcèlement, comment sortir de la psychologie » Jean-Pierre Le Goff tire la sonnette d’alarme sur les risques générés par les discours politiques victimaires très en vogue depuis une quinzaine d’années. Selon lui, le danger d’une lecture trop psychologisante de la souffrance résiderait dans l’anesthésie de tous débats sociaux et questionnements sur les cultures organisationnelles et collectives, cantonnant ainsi la souffrance au travail au cas individuel ou au fait divers.

-En partant de l’entreprise EDF, Jean-Pierre Le Goff a illustré l’impact de la reconfiguration des rapports sociaux et des rapports au travail sur l’identité professionnelle. Vous trouverez cette intervention dans les actes du colloque « le harcèlement moral au travail » datant de 2001. Sans oublier les interventions de Christophe Dejours et Marie Pezé, présents eux aussi à ce colloque, et qu’il serait vraiment dommage de bouder!

-Enfin, pour ceux qui souhaitent se pencher plus en avant sur le rôle et les limites des cellules de reclassement en tant qu’outils d’accompagnement des salariés licenciés économiques, vous avez là votre bonheur! Le rapport de Janvier 2010 du Conseil économique, social et environnemental, très riche (106 pages), s’attache à rendre ce dispositif plus performant en présentant quelques leviers susceptibles d’augmenter leur efficacité.

Bonne lecture à tous!


V.B



jeudi 11 février 2010

Veille Documentaire - 11 Février 2010

Bonjour à tous,

En cet hiver froid et qui n’en finit plus, voici une compilation des faits marquants relatés par la presse de ces derniers jours.

-Tout d’abord, une étude menée par le cabinet Technologia fait grand bruit depuis quelques jours. Pendant six mois des entretiens ont été menés auprès de 150 salariés afin d’identifier l’impact des transports sur le stress en entreprise. Les résultats sont alarmants. On observe en effet un degré de stress particulièrement important pour les salariés habitant loin de leur lieu de travail et prenant les transports en commun. Cet inconfort, consécutif au temps perdu dans les transports, a de multiples répercussions sur la sphère professionnelle : journée de travail à rallonge, temps de pause écourtée, reproches de la direction sur le manque de ponctualité etc... Pour le cabinet « il s'agit d'une pénibilité et d'un allongement du temps mobilisé pour le travail qui reste "à la porte de l'entreprise", au sens propre comme au sens figuré puisqu'elles coûtent au salarié tout en ne relevant pas de la responsabilité de l'employeur. De fait cette situation dégrade l'équilibre entre les efforts fournis par les salariés et la reconnaissance de l'entreprise qui en découle, ce qui est un facteur central des risques psychosociaux ». Un manifeste en 10 points a été proposé par les experts.

-Le Parisien mentionne les remous sociaux grippant la mairie d’Argenteuil à l’heure actuelle. Après une tentative de suicide de l’un des ses agents, les syndicats se sont emparés du sujet et rencontrent cette semaine la direction des ressources humaines. Les moyens mis en œuvre dans le groupe de réflexion sur la souffrance au travail seront discutés.

-Le ministre du Travail, Xavier Darcos a demandé à l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) de créer un site internet visant à recenser les « pratiques sociales innovantes » des entreprises. Cette initiative pourra s’accompagner de la mise en place d’un système de label afin de « de favoriser l'exemplarité des entreprises en matière sociale et de valoriser les démarches d'excellence sociale ». Le projet devrait être mis en place avant l’été (source Les échos).

-L’expansion passe au crible les cinq années de Didier Lombard à la direction de France Télécom. La mention « catastrophique » est attribuée au volet social. Pour le Courrier International, cet échec peut s’expliquer par la trop grande distance prise avec le quotidien de l’organisation et par l’application bien trop tardive d’actions correctrices des pratiques de management.

-Enfin, marquez d’une croix blanche le Jeudi 18 Février dans vos agendas. Une conférence intitulée « Travailler, se travailler, travailler ensemble » est animée par Marie Pezé, auteur de « Ils ne mourraient pas mais tous étaient frappés ». Sylvie et moi nous y rendrons. Nous espérons vous y voir !

Je termine par un bonus. A lire, un article de Dominique Picard insistant sur l’importance des rituels de transitions, notamment lorsque les changements statutaires provoquent une altération de la position de la personne : « le rituel montre à la personne concernée que sa participation à la communauté n’est pas remise en question, la communauté se montre solidaire pour entériner les inévitables changements qui s’effectuent en son sein et soutenir ceux qui vont subir des altérations de statuts ». A noter le parallèle effectué avec les travaux sur la gestion des faces de Ervin Goffman, tout simplement passionnant ! (cf onglet « transitions professionnelles et changements » intitulé Transitions et ritualités).

Bonne lecture à tous, en espérant que la fin de semaine nous laisse entrevoir un peu plus de soleil !

VB

lundi 8 février 2010

Typologie des risques psychosociaux

Souffrance au travail, généralités

Transitions professionnelles et changements

mardi 2 février 2010

Veille Documentaire - 02 Février 2010

Bonjour à tous,

Le 1er février était une date butoir pour les 1500 entreprises françaises de plus de 1000 salariés qui devaient communiquer lundi sur les démarches effectuées en matière de risques psychosociaux. Le bilan n’est pas mauvais, 700 entreprises se sont inscrites auprès du ministère du travail. Un classement en fonction du degré d’implication sera rendu public mi-février, deux semaines supplémentaires ayant été octroyées afin d’éviter toute précipitation dans la rédaction du dossier. Le ministère du travail se félicite « d’un vrai mouvement » des entreprises pour le sujet. La seule véritable menace pour les entreprises se limitant à une détérioration de leur image, il reste à espérer que cela ne se réduise pas à des annonces de méthodes comparables à des « coquilles vides »…

A noter que l’Association Française des Banques (l’AFB), Rhodia et Carrefour tentent d’opérer des avancées sur la question des risques psychosociaux.
Un nouvel accord sur le phénomène des incivilités et des violences à été signé entre l’AFB et les syndicats du secteur. Il est ciblé sur les violences exercées par les usagers à l’encontre des professionnels. En 2006, ce défaut de coopération transverse avait déjà été souligné lors d’un premier accord. Il s’agit donc d’un prolongement des premières dispositions prises qui s’axe sur quatre lignes directrices : la définition des incivilités, l’identification des mesures de prévention, les mesures d’accompagnement psychologiques et juridiques et l’évaluation des incivilités par un groupe paritaire.
Selon Bourse Reflex, Rhodia et ses organisations syndicales viennent de signer un accord de méthode sur l'évaluation et l'analyse des risques psychosociaux au sein du groupe. Des démarches d'évaluation du stress au travail ont déjà été menées à l'échelle de quelques établissements.
Face à l’augmentation du taux de suicides à Carrefour (un employé s’est suicidé au mois d’Octobre), un diagnostic sur le stress au travail s’est mis en place depuis lundi. Quatre magasins ont été sélectionnés constituant ainsi un échantillon de répondants de 1600 salariés.

La semaine dernière des négociations sur le harcèlement et la violence au travail ont réuni syndicats et patronat (rappelons que l’enquête Summer de 2003 faisait état d’un salarié sur six en France estimant être l’objet de comportements hostiles dans le cadre de son travail).
Les résultats des négociations sont mitigés. Pour les organisations syndicales, il n’est pas possible de se cantonner à un simple copier-coller de l’accord européen. Selon eux, le texte ne fait pas suffisamment l’objet d’une application au contexte français. Ainsi la CFTC discute la notion de « cadre », traduction pure et simple de l’accord européen mais qui ne revêt pas la même signification en France, ce terme ne désignant pas nécessairement un professionnel doté de responsabilités hiérarchiques.
Concernant l’intervention de « médiateurs » choisis parmi les membres du personnel de l’entreprise, les syndicats jugent ce positionnement dangereux et prennent le parti de privilégier les CHSCT et les médecins du travail pour jouer ce rôle.
Le texte émanant du MEDEF est aussi accusé de ne se focaliser que sur des aspects purement individuels du harcèlement et de la violence, le patronat estimant qu’ils « sont dus à des comportements inacceptables d'un ou plusieurs individus », bien que « l'environnement de travail peut avoir une influence sur l'exposition des personnes au harcèlement et à la violence ». La prochaine séance de négociation se tiendra le 8 février et devrait permettre de corriger un texte qualifié par beaucoup de « passoire ».
Cette étonnante résistance à nier l’aspect organisationnel dans l’étude de ces phénomènes est souvent rencontrée. Je me suis replongée dans le dossier de l’Institut National de Recherche et de la Sécurité. Il nous dit ceci : « certaines conditions de travail dites « tendues » (rythmes de travail imposés par la hiérarchie, impossibilité de choix des horaires de travail, dépassement des horaires…) peuvent les favoriser. Les violences se manifestent également dans des situations de travail où les exigences au poste de travail sont élevées, où les marges de manœuvre et le soutien social sont faibles ».

Puisque je suis dans le sujet, j’en profite pour vous faire une petite révision :
Concernant la définition des comportements hostiles ou ressentis par les salariés comme tels, leur lecture peut être répertoriée sous trois aspects :
- Les comportements méprisants (mise à l’écart, sarcasmes …),
- Les atteintes dégradantes (humiliations, insultes obscènes, comportements à connotation sexuelle etc.),
- Le déni de reconnaissance (tel que l’attribution de tâches dénuées de sens, de mise au placard).

D’un point de vue statistique, une plus forte proportion de victimes est repérée chez les femmes (tout du moins majoritaires à déclarer ce type d’agissements) ainsi que chez les salariés les moins qualifiés. Ces comportements se retrouvent moins fréquemment dans les entreprises inférieures à 10 personnes.

De nombreux bruits ont couru sur le départ anticipé de Didier Lombard. Hier, une interview donnée dans le Figaro a confirmé la rumeur. A partir du 1er Mars, Didier Lombard passe les rênes au numéro 2 de France Télécom, Stéphane Richard. Le 24 Février, il sera demandé au conseil d’administration d’opérer une dissociation entre la fonction de président de celle directeur général. Le président du groupe s’attachera alors jusqu’au terme de son mandat (juin 2011) à mener à bien les grandes orientations stratégiques et technologiques tandis que Stéphane Richard sera exclusivement aux commandes opérationnelles.
Selon lui, si les objectifs de modernisation et de production du groupe ont été atteints, le bilan de ses actions est nuancé par l'absence d'une prise en compte immédiate de la souffrance provoqués par trop de changements brutaux : « sans doute aurions nous dû, dès le mois d'août, appliquer les mesures que nous avons mises en œuvre en octobre. Mais sur ces sujets humains extrêmement sensibles, il est très difficile d'évaluer la profondeur des choses ».

A voir enfin ; le site de Travail et Santé, avec une vidéo portant sur les restructurations et le rôle que devraient jouer les CHSCT. Il est vrai qu'à l'heure actuelle, le compromis entre santé et emploi n’est pas facile pour ces instances. Souvent confrontées aux chantages de la direction (« si vous voulez faire une enquête expertise, nous on va délocaliser »), cette commission présente aujourd’hui deux lacunes majeures :
- D’une part, l’absence d’instance centralisée des CHSCT laisse à l’entreprise en réseau une échappatoire au système de prévention actuel. Excepté quelques initiatives isolées (par exemple Thyssenkrupp qui a créé plusieurs groupes CHSCT en fonction des métiers), on observe un manque de coordination et de transmission d’informations ;
D’autre part, le cloisonnement entre CE et CHSCT constitue un frein à la force de leurs discours. La constitution d’un collectif entre ces deux instances pourrait pallier cette fragilité et créer un pont entre l’emploi et la santé.

Bonne lecture et excellente fin de semaine !

VB