L’ORSE (Observatoire
de la responsabilité sociétale des entreprises) a récemment publié un guide de
bonnes pratiques concernant l’utilisation de la messagerie électronique au
travail. L’intérêt de cette brochure disponible en ligne, outre son caractère
pratique, est qu’elle fait clairement ressortir l’ambivalence d’un outil tout à la fois aidant et stressant.
Les témoignages rassemblés par l’ORSE montrent que le
rapport que nous entretenons à la messagerie électronique est complexe. Ravis
de la liberté offerte par l’outil, tout autant que consternés
de l’étouffement auquel il peut conduire, nous oscillons
entre prise de conscience des « effets facilitateurs » et des effets
« contraignants ». L’explication de cette situation inédite dans les
organisations de travail est ainsi formulée : « La conjugaison de ces
deux facteurs, la rapidité d'introduction du média et son apparente simplicité
d'utilisation, ont empêché les cadres dirigeants de se poser les questions de
son adaptation organisationnelle et culturelle. » Or, le temps de cette
réflexion doit désormais être pris, les chiffres obtenus lors d’enquêtes antérieures
parlant d’eux-mêmes :
" • 56% des utilisateurs consacrent plus de 2h par jour
à la gestion de leur boîte de réception
• 38% des utilisateurs reçoivent plus de 100 messages par
jour
• 70% des managers déclarent souffrir de surcharge
informationnelle
• 65% des utilisateurs déclarent vérifier leur messagerie
toutes les heures mais le font en réalité bien plus souvent : toutes les 5
minutes
• 64 secondes, c’est le temps que l’on met en moyenne pour
reprendre le fil de sa pensée lorsque l’on est interrompu par l’arrivée d’un
message."
Le but de la brochure est donc de proposer quelques règles
de bon sens qui remettent la messagerie à sa place, c’est-à-dire à son rôle
d’aide à la communication entre collaborateurs. De nombreuses recommandations
sont données, et sont organisées en deux chartes :
-
la première se focalise sur l’optimalisation des
fonctionnalités de l’outil
-
la seconde se focalise sur la réduction du
stress des utilisateurs
Exemples de recommandations issues de la charte n°1 :
- "gérer au mieux les envois" :
les recommandations ici énoncées renvoient finalement toutes à la nécessité
d’interrogations précédant l’envoi des messages. La messagerie électronique
est-elle l’outil le plus adapté, par rapport à la conversation en face à face
ou au téléphone par exemple ? Le moment choisi pour l’envoi est-il le
bon ? Les destinataires sont-ils bien choisis ? L’objet du message
est-il explicite ?
-
"gérer la réception" : de ce point de vue, il
s’agit de trouver un équilibre dans l’interaction. Tout en assurant l’envoyeur
de la bonne réception du courriel, il s’agit d’éviter le traitement immédiat
des messages, tout comme les interruptions qu’ils causent dans l’exécution
d’une tâche en cours.
Exemples de recommandations issues de la charte n°2 :
- "limiter le conflit" : le contenu du message
doit rester dans les limites communément admises de la politesse.
-
"limiter le stress" : c’est essentiellement à
la création inutile de « sentiment d’urgence » qu’il faut prêter une
attention particulière. France Télécom, dans son Accord sur l’équilibre de vie
privée / vie professionnelle du 5 mars 2010 précise : « De façon à
prévenir de l’usage de la messagerie professionnelle, le soir, le week-end et
pendant les congés, il est rappelé qu’il n’y a pas d’obligation à répondre
pendant ces périodes et qu’il est recommandé d’utiliser les fonctions d’envoi
différé ».
Les recommandations de l’ORSE sont de plus assorties d’une réflexion
approfondie sur la mise en œuvre de ces chartes de bon usage : le
traitement des risques psychosociaux reste confronté en effet à ce paradoxe qui
est qu’à vouloir diminuer le stress à tout prix, on peut en fait en créer - en
ajoutant de la pression à une tension déjà existante. Par exemple, le recours à
l’humour via une campagne d’affichage dans l’entreprise – une action mise en
œuvre par la Société générale notamment - peut une bonne façon de contourner
les écueils d’un discours autoritaire et contraignant sur le bon usage de la
messagerie électronique.
Crédit photo : Simon Adriaensen