Bonjour à tous,
En regardant les news de la semaine dernière, l’absence d’articles de fond et le manque d’actualités concernant la question de la santé au travail n'étaient pas très rassurant. Cette semaine enterre définitivement une hypothèse que je m'étais posée, à savoir une diminution de l'engouement pour le sujet des RPS .
En effet, deux mammouths du paysage économique français ont fait la une de l’actualité (France Télécom et Renault) et surtout, les lois relatives aux risques psychosociaux avancent !
Ainsi, Liaisons sociales et Le Figaro nous informent que le gouvernement vient de présenter les grandes lignes du plan santé au travail 2010-2014 visant deux objectifs : d’une part diminuer les expositions aux risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles, d’autre part mener une politique de prévention active des risques professionnels.
Face aux détresses individuelles (un quart des hommes et un tiers des femmes souffrent de troubles psychologiques liés à leur travail selon Opinionway) et au coût financier chiffré en milliard que cela génère (voir l’étude de l’INRS), autant dire que ces mesures tombent à pic…
Parallèlement, compte tenu de l’urgence de la situation, les entreprises de plus de 1000 salariés doivent avoir débuté avant le 1er Février des négociations sur le stress au travail portant sur un accord de méthode. A partir de cette date, le ministère du Travail établira une cartographie des entreprises en fonction du degré d’avancement sur la signature d’un accord : le « feu vert » sera donné à celles qui ont signées un accord, le « feu orange » à celles qui ont entamées la démarche et le « feu rouge » sera attribué en cas d’absence totale d’engagement. A la mi-février, un site internet publiera la classification des entreprises. (Source : Le Point)
Pour poursuivre sous un angle juridique, la loi relative au harcèlement moral définit plus précisément le phénomène (arrêt du 19 novembre 2009). L’expression est désormais clairement posée lorsque s’observent sur les personnes « des agissements répétés ayant pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail portant atteinte à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel". Ici, l’évolution majeure tient du fait de l’extension de sa délimitation : la relation employé/ employeur ne se retrouve plus seule sur le banc des accusés, l’entreprise est aussi concernée. (Source : Le Point)
L’Express.be publie les résultats d’une enquête menée à la demande de Regus en Belgique. La presse avait abondamment discuté de ses conclusions en 2009 et notre veille en avait fait l’écho. Il s’agit donc d’une petite piqûre de rappel. Neuf facteurs psychosociaux majeurs sont responsables du stress au travail : rythme de travail élevé, pression émotionnelle, travail monotone, manque de soutien social des collègues, manque d'autonomie, absence de participation à la prise de décisions, conflit de responsabilités et manque de distinction entre les différentes responsabilités. Parallèlement, l’enquête Regus apporte une précision de poids. A ces différents facteurs s’ajoute deux autres non négligeables, l’omniprésence de l’objectif de rentabilité et la crainte du licenciement.
Concernant l’entreprise Renault, son DRH Gérard Leclerc a fait l’objet d’une interview à Radio BFM sur les risques psychosociaux. Les interventions dans l’entreprise de cabinets spécialisés dans ces risques (Stimulus et Technologia) ont permis de tirer des conclusions et des comparaisons sur deux ans. Selon le DRH, si le type de management n’est peut-être pas en voie d’évolution, il est constaté une diminution sensible de « la situation d’hyper-stress » et une place importante accordée à « l’élément collectif » nécessitant en autre le développement d’un management de proximité. La formation aux risques psychosociaux est également mise en valeur.
Le Monde publie un article sur les suicides à France Télécom et traite du clivage entre une direction marquée par le refus de tenir une « comptabilité » des suicides et le syndicat SUD PTT. Il est fait également mention des difficultés évidentes à vouloir transposer une méthode gestionnaire aux actes suicidaires. Ainsi l’information rapportée par le Monde et annoncée par SUD PTT de trois nouveaux suicides en début d’année 2010 est en fait au nombre de deux. Aucun lien n’a été posé entre ces actes et le monde du travail mais l’inquiétude du syndicat demeure, ce début d’année signant en effet la fin du gel des mobilités forcées. Néanmoins, plusieurs mesures positives sont à relever avec notamment trois sites qui maintiendront leur activité (un projet de fermeture étant initialement prévu), une mobilité se faisant essentiellement par le volontariat et une mobilité forcée ne pouvant pas s’appliquer aux salariés à moins de trois ans de la retraite. La situation reste cependant loin d’être idéale pour les salariés comme l’atteste le discours de cette salariée en centre d’appel : "Notre directrice nous a octroyé 50 euros annuels par personne pour des activités de convivialité, comme la galette des rois. Ce n'est pas ainsi que l'on règle la question de la souffrance au travail ! Moi, j'attends du respect, la fin de l'infantilisation et du flicage."
Si vous souhaitez plus d’infos sur le thème du suicide, un article paru dans Le Monde en début d’année 2007, date à laquelle plusieurs suicides chez Renault avaient été médiatisés, mérite vraiment le détour. Emmanuel Couvreur dresse un inventaire très fin du contexte organisationnel du site du Technocentre de Guyancourt (Yvelines). Pour lui, la complexité du lien entre suicide et travail est incontestable: « face à de tels drames, les enquêtes engagées mettront sans doute en évidence des causes différentes » et « les conditions de travail ne peuvent pas à elles seules expliquer de tels actes ». Néanmoins, « leur localisation sur un même site et dans une période rapprochée invite à une analyse approfondie de leur contexte professionnel pour ne pas en rester à la violence des événements, repris largement dans la presse ». Sa conclusion est elle aussi pleine d’enseignements : trois grands principes fondamentaux doivent être restaurés dans les entreprises: transparence, confiance et reconnaissance.
Vous pouvez également consulter ce powerpoint qui présente un ouvrage faisant hommage à Jacqueline Barus-Michel. Suite à un échange avec Terence concernant l’impact des restructurations sur les salariés, l’attachement à l’entreprise et le douloureux processus de deuil consécutif à cette séparation, quelques concepts sont remontés à la surface. Publié en Octobre 2009, cet ouvrage est un ensemble d’actes issus d’un séminaire de psychologie sociale clinique de 2007. Certains éclairages théoriques peuvent faire sens. Je vous les ai résumés. Par exemple, peut-on penser que certaines cultures organisationnelles auraient plus tendance à absorber l’Idéal du moi de l’individu afin de transposer l’idéal de l’entreprise? Dans un tel contexte, peut-on alors envisager un processus de deuil plus délicat lorsqu’il y a séparation avec l’entreprise ? Si vous vous êtes déjà posé la question -et que vous n’avez pas trouvez de réponse- le concept de « pathologie de l’idéalité » vous intéressera.
Enfin, je vous encourage à aller faire un tour sur deux sites, un blog à l’humour plutôt corrosif et grinçant, Médiapart et le site « Etre bien au travail » plutôt accès grand public mais très utile pour avoir des conseils pratico-pratiques.
Bonne lecture !
VB