mardi 16 octobre 2012

Le stress au travail, un problème de cœur ?

C’est l’INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale qui l’annonce lui-même ce 14 septembre dernier : le lien entre stress au travail et infarctus est « confirmé » par les diverses études qui ont pu être menées de 1985 à 2006 en Europe, sur près de 200 000 salariés. Le journal médical américain The Lancet a mis en ligne la méta-analyse de ces recherches, qui ont mobilisé des équipes au Royaume-Uni, en Suède, au Danemark, en Allemagne, en France, en Belgique, en Suisse et aux Pays-Bas. Elle ses sont réunies dans le consortium IPD-Work, dont l’objectif est « d’obtenir des informations fiables sur les effets des facteurs psychosociaux liés au travail sur les maladies chroniques, l’invalidité et la mortalité dans des groups d’employés spécifiques, comme ceux ayant un bas salaire, une pathologie pré-existante ou des comportements à risques, de même que ceux ayant un style de vie sain et une organisation de travail favorable. »

L’objectif de la méta-analyse dont l’INSERM relaie aujourd’hui les conclusions était donc de reprendre les données disponibles quant aux liens entre stress au travail et maladies cardio-vasculaires, et d’harmoniser les résultats en fonction des méthodologies employées par les diverses équipes. Les chercheurs avaient en effet constitué des « cohortes » de salariés : en France par exemple, ce sont près de 20 000 agents d’EDF-GDF qui ont été suivis à partir de 1989, et, en Belgique l’étude Belstress a suivi plus de 15 000 salariés issus de 24 entreprises différentes.

Dans chaque cas, la proportion de travailleurs exposés au stress a été définie par questionnaires : il s’agit donc d’une déclaration volontaire du salarié, qui est invité à estimer lui-même le degré de stress auquel il est soumis. Les indicateurs utilisés dans ces questionnaires concernent notamment la quantité de travail, le manque de temps, les ordres contradictoires, et la liberté de décision. Dans ce cadre, en moyenne, sur les 200 000 salariés concernés par cette méta-analyse, 15,3% déclarent être exposés au stress dans le cadre de leur activité professionnelle –de 13% au Pays-Bas à 22% au Danemark, la France (EDF-GDF) se situant exactement dans la moyenne à 15%. La prévalence des maladies cardio-vasculaires a quant à elle été définie par l’étude des admissions dans les hôpitaux et des registres de décès. Les salariés suivis ont également été catégorisés du point de vue de leur statut socio-économique, de leur consommation d’alcool et/ou de tabac, de leur pratique ou non d’une activité physique, et de leur indice de masse corporelle. La répartition hommes/femmes étaient équitable, et la moyenne d’âge était de 42,3 ans.

L'une des forces de cette méta-analyse est qu’elle ne se contente pas de travailler uniquement sur les résultats publiés : ont également été pris en compte les articles non parus dans la littérature scientifique, et que les chercheurs avaient conservé en version de travail. (Sans s’étendre ici sur la question de la publication des résultats scientifiques, il importe de noter que nombre d’études produites par les chercheurs restent non publiées : la publication est un marché en soi, avec ses exigences d’évaluation et ses tendances thématiques du moment)

Ainsi, le lien entre stress au travail et maladies cardio-vasculaires est confirmé, et se trouve même renforcé lorsque certaines autres sources de stress apparaissent : du point de vue de l’activité professionnelle, la perte de l’emploi, et, du point de vue personnel, la perte d’un enfant ou la maladie du conjoint.

Les auteurs de cette méta-analyse notent que la réduction du stress au travail (essentiellement défini ici comme un "stress psychologique", dû à "la combinaison d'une forte demande de travail avec peu de marges de manœuvre") permettrait de diminuer significativement la prévalence des maladies cardio-vasculaires parmi les salariés - même si, pour tous les salariés y compris ceux qui ne déclarent pas souffrir du stress au travail, l'amélioration de l'hygiène de vie est un facteur essentiel dans la prévention de ces pathologies. En pratique néanmoins, il n'y a pas là deux aspects indépendants du problème, et la mise en place de mesures visant à réduire le stress au travail ayant vraisemblablement des effets positifs sur le comportement individuel des salariés (consommation d'alcool, de tabac, activité physique).



Crédit photo : PV KS


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