mardi 1 février 2011
Concilier travail et parentalité : la demande des pères
Un nouveau défi pour les entreprises serait de s'adapter à l'émergence d'une demande masculine d'exercer ce qui était traditionnellement vu comme un "métier de femme", à savoir la prise en charge de la sphère domestique. Selon une étude de l'Ecole de management de l'Université de Lancaster, il s'agit notamment de veiller à ce qu'une certaine flexibilité dans l'organisation du travail puisse être accordée à tous les employés, quel que soit leur sexe et quelle que soit leur position hiérarchique. A la clé, un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle pour les pères, et moins de stress au travail.
On ne travaille pas qu’au travail, et c’est une évidence… plutôt féminine. De retour à la maison, repassage, vaisselle et soin des enfants restent encore majoritairement une affaire de femmes, même si la tendance est à l'augmentation de la part prise par les hommes au travail domestique. Il y a ainsi le travail "payé" (le professionnel) et le travail "non payé" (le domestique) : pour les femmes, le temps consacré à ces deux types de travail a progressivement baissé sur les dernières décennies, cependant que, du côté des hommes, la part du travail domestique a sensiblement augmenté. C'est la raison pour laquelle les femmes n'expriment paradoxalement pas plus de difficultés que les hommes à concilier travail et maison : leur volume de travail payé est souvent plus faible que celui des hommes. Néanmoins leurs temps de loisir est caractérisé par une fragmentation résultant d'une plus grande pression des obligations domestiques sur leur emploi du temps global : le déséquilibre subsiste dans le partage des tâches au quotidien.
Et voilà justement qu'une étude de l'Ecole de Management de l'Université de Lancaster, intitulée Work-life balance, Working for fathers, vient encourager les hommes à s'investir encore un peu plus dans la vie quotidienne du foyer : un meilleur équilibre entre « vie » et « travail » serait le secret des hommes peu, ou en tout cas moins, stressés... C'est une idée qui n'est évidemment pas passée inaperçue, et Rue 89 fournit sur le sujet une synthèse aussi amusée qu'amusante, arguant que, pour rendre un homme zen, il suffit de le mettre au ménage : un régal pour la blogosphère féministe, qui diffuse aussitôt le bon conseil...
En fait, la question du partage des tâches, une problématique plutôt féministe et militante jusqu'à présent, se complexifie : à en croire les études qui s'accumulent sur le sujet, les hommes sont de plus en plus nombreux à exprimer le désir d'avoir à la maison une place pensée comme un pendant indispensable à leur vie professionnelle. Les pères seraient ainsi majoritairement favorables à ce que ce soit le conjoint (quel que soit son sexe) qui gagne le plus qui soit celui qui travaille à l'extérieur – tandis que, moins enthousiastes à ce sujet, les femmes considèreraient quant à elles que le soin des enfants relèvent, quelle que soit la configuration professionnelle du couple, plutôt de leurs prérogatives.
Dès lors, les enjeux d'une telle évolution des mentalités pour l'organisation du travail – et conséquemment pour la prévention du stress au travail – sont cruciaux. L'étude de Lancaster avance ainsi que, « en comprenant mieux à la fois les décisions que prennent les pères et la relation qu'ils ont à leur travail, et en comprenant comment celles-ci sont influencées par la façon dont ils peuvent concilier travail et responsabilités familiales, les employeurs seront capables de trouver des stratégies d'adaptation pour un travail plus father-friendly. Les retombées positives de ce processus seront partagées par les individus comme l'organisation. ». Il s'agit d'engager les entreprises à viser une meilleure connaissance des préoccupations de leurs salariés : « Combien d'organisations, par exemple, connaissent la façon dont varie le niveau de stress des pères en fonction du nombre d'enfants qu'ils ont, et la façon dont ceci est médié par le salaire ? ». Un résultat important de la recherche est que les pères qui souhaitent s'investir plus dans le travail domestique rêvent de plus de flexibilité dans leur travail : si l'on sait que flexibilité peut rimer, dans ses formes extrêmes, avec précarité, une certaine forme de flexibilité, confortable celle-là, relèverait plutôt selon eux d'un privilège managérial : les chercheurs britanniques recommandent ainsi aux entreprises de veiller à ce que « la réglementation de la flexibilité du travail concerne tous les groupes d'employés ». Cette observation vient nuancer l'idée, issue de l'enquête française SIP 2007, que les cadres et les non-salariés expriment plus de difficultés que les employés et ouvriers à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Difficile donc de donner une formule miracle pour le work-life balance, compromis délicat dans la réalisation duquel les questions de genre et de position hiérarchique jouent visiblement un rôle clé.
Crédit photo : jfgornet
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