mercredi 26 mai 2010

Veille documentaire du 11 Mai 2010

Bonjour à tous,

Au regard de l’actualité et de ses avancées, la veille de cette semaine s’est concentrée en grande partie sur le harcèlement au travail.

En effet, si une information juridique devait être retenue, ce serait à l’évidence l’accord national interprofessionnel sur la prévention du harcèlement et des violences au travail. Signé le 28 Avril dernier, les huit réunions de négociation ont porté leurs fruits : l’accord est unanime entre les partenaires sociaux. Ce texte vise à sensibiliser les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur la question du harcèlement et de la violence au travail. Il poursuit également l’objectif de proposer des outils pour faciliter leur identification et les moyens d’agir. Selon le directeur général du travail Jean-Denis Combrexelle, ces méthodes pour réduire les risques psychosociaux ne doivent pas laisser supposer que de profonds remaniements vont être à opérer au niveau de l’entreprise : « pas besoin de grandes révolutions. La réponse est dans la négociation collective. C’est tout le sens des réformes actuelles. »

Le harcèlement au travail est désormais définit comme apparaissant « lorsqu’un ou plusieurs salariés font l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétées et délibérées dans des circonstances liées au travail… ». Considéré comme multifactoriel, il n’écarte plus la responsabilité de l’entreprise. L’évolution de cette grille de lecture est pour beaucoup d’experts une évolution considérable. Ainsi, Philippe Davezies dans un article de 2007 alertait sur le danger de « passer à la trappe » le contexte plus général de travail. Poser le mot « harcèlement » en tant que réalité vécue par le salarié, transforme inévitablement sa façon de se percevoir : il devient victime. Or, sans un état des lieux objectif de l’organisation et des effets délétères qu’elle peut engranger, c’est bien souvent la personnalité du manager qui est uniquement mise en accusation. La « personnalité du chef » est alors accusée d’être perverse, irrationnelle, en dehors des réalités humaines et mue par une volonté de détruire l’autre. Le salarié, parce qu’il ne peut pas donner véritablement de sens à cet agissement, s’engage alors dans un « combat de mort ». Selon l’auteur, c’est de cette interprétation unilatérale qu’il faut se prémunir. Dans la mesure où « elle est en grande partie impensable et parce qu’elle ne s’ouvre pas sur des modalités de résolution favorables aux victimes », le harcèlement diagnostiqué sous un angle purement individuel est déjà un traumatisme.

« Légère baisse du stress chez Renault » : c’est ainsi que Le Figaro titre son article rapportant les résultats de l’audit du cabinet Technologia présentés fin avril. Après trois suicides de salariés travaillant au Technocentre, Renault avait lancé un plan-anti stress en 2007. Ces mesures avaient permis de réduire l’amplitude des horaires d’ouverture et de créer des postes favorisant une plus grande proximité entre le management et les équipes. Aujourd’hui, le niveau de stress constaté « bien qu’assez élevé, [ce niveau] correspond à la moyenne observée par Technologia dans d’autres entreprises ». Néanmoins, l’impact de la crise sur le groupe oblige désormais Renault à repenser son plan stratégique, ce changement d’orientation faisant peser de nouveaux risques sur la santé des salariés. Pour le directeur des sites d’ingénierie, l’effort réalisé en amont sur la question du bien être n’est surtout pas à minimiser, bien au contraire : « Heureusement que nous avons lancé notre plan contre le stress avant la crise. Autrement, je ne sais pas quel niveau nous aurions atteint aujourd’hui ».

Autre accord venant d’être signé, celui de France Télécom. Axé sur le stress, il a obtenu 60% des voix des salariés. Un Comité national de prévention du stress incluant les syndicats, la direction et les chargés de prévention sera, comme le définit l’accord, prochainement mis en place. L’accent est mis sur les facteurs organisationnels du travail, à son contenu, ses exigences ainsi qu’aux méthodes de management. A noter que ni Force Ouvrière ni la CGT n’ont souhaité donner leur signature.

A très bientôt!


V.B

vendredi 7 mai 2010

Veille Documentaire du 04 Mai 2010

Bonjour à tous,

Voilà quelques semaines que je n’avais pas rapporté un nouveau cas de suicide ou de tentative de suicide à France Télécom. Mais malgré les actions mises en place et un accord sur le stress devant être soumis à signature le 6 mai selon le Daily Bourse, mardi dernier, un homme de 28 ans, salarié à France Télécom de Toulouse, a tenté de se donner la mort en se jetant d’un pont. Transporté dans un « état grave » par les urgences il n’avait pas, selon un porte-parole, de problèmes connus avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques.
Ce suicide est-il une conséquence du travail ? Cette question, introduisant l’article de Philippe Davezies dans la revue santé au travail de 2007, reste toujours très actuelle. Bien souvent, aux drames et difficultés personnelles des salariés viennent s’ajouter les problèmes professionnels. Les responsabilités imputables à l’organisation du travail et celles liées à la vie privée sont alors difficilement mesurables. Pourtant nous dit l’auteur, cette intrication des responsabilités doit déjà nous interroger. En tant que « opérateur de santé », la responsabilité de l’entreprise est d’assurer une fonction de soin, le travail étant « une ressource précieuse pour passer une période de difficultés personnelles ». Par conséquent, en cas de suicide, le respect ou non de ce contrat mérite pleinement d’être discuté.
Autre interrogation -souvent insistante lorsqu’un nouveau suicide est relayé par la presse-, cette comptabilisation de chaque nouveau suicide ne nous fait-elle pas oublier la dimension humaine de l’acte en le réduisant à un seul et unique chiffre ? Un élément de réponse nous est donné par Brigitte Le Bret, co-auteur de l’ouvrage « Pendant qu’ils comptent les morts » : « En tant que psychiatre, je crois qu’un suicide, lorsqu’il se produit, se produit à 100%. (…) Les chiffres sont mêmes nécessaires à un moment donné pour permettre aux hommes politiques ou aux citoyens de se saisir de ce problème social et d’apporter leur soutien à sa résolution »…
Mais prendre le problème des risques psychosociaux à bras le corps n’est pas chose aisée. Dans un article du Journal de l’Environnement, Danièle Linhart insiste sur les résistances culturelles des organisations, celles-ci prenant racine dans le « management moderniste » apparu dans les années 90. Privilégier les préventions de type secondaire, c’est alors faire l’impasse sur un discours managérial valorisant l’autonomie et la responsabilité mais en totale contradiction avec les conditions de travail réelles. Selon Alain Lempereur, professeur titulaire de la chaire Négociation et médiation à l’Essec, cette injonction paradoxale doit prendre fin : «les responsables doivent faire plus confiance aux salariés, accepter de déléguer des tâches et favoriser la performance sociale et pas seulement financière des entreprises. La co-construction de la prise de décision est une révolution».
Cette privation d’autonomie et d’absence de marge de manœuvre peut pourtant générer des conséquences très graves sur la santé de l’individu. En effet, si l’on peut travailler sans s’engager et parvenir à réaliser une activité sans pouvoir lui attribuer un sens c’est aussi, nous dit Boris Cyrulnik, « le plus sûr moyen de mourir d’ennui (…) et d’évoluer vers la dépression d’épuisement ». Le remède ? Créer des situations pionnières faisant appel à la créativité de chacun !

Bonne lecture à tous !


V.B


Revues de presse :
Tentative de suicide à France Télécom : Le Nouvel Obs', le 20 Minutes

mardi 4 mai 2010

Veille Documentaire du 27 Avril 2010

Bonjour à tous,
Cette semaine, notre chronique s’est focalisée sur des articles et interviews décidément très riches en contenus.

- La méthode du « name and shame » initiée par Xavier Darcos et consistant à pointer publiquement les entreprises pour favoriser la prévention de la santé au travail continue à verser beaucoup d’encre. Une interview publiée par le Figaro a plus particulièrement capté mon attention. Sous un angle juridique, deux avocates évoquent la technique employée par le ministère et font le point. Souvent, les tentatives pour classifier l’engagement des entreprises dans cette démarche ont été jugées précipitées. Au final, les conséquences en terme d’image ont fait beaucoup de dégâts, les médias caractérisant à la hâte les entreprises listées en rouge de « ne rien faire » et de se « fichent du stress de leurs salariés ». Pourtant, aucun fondement légal n’est à l’origine de la classification du gouvernement. Ce constat dressé, le questionnement des deux auteurs devient hautement pertinent : « Peut-on souhaiter (en outre) que nos ministres fixent des règles en dehors de l'adoption de tout texte réglementaire? Les entreprises listées en rouge, en l'absence de fondement juridique à l'établissement de la liste, semblent à première vue privées de toute contestation. La sanction par l'image échapperait-elle à tout contrôle juridictionnel? »…
- Le dernier numéro de Santé et Travail vient de paraître. L’un des articles, venant en écho à notre pratique, pourra piquer votre intérêt. Il peut être lu comme une mise en garde contre l’instrumentalisation et les limites des dispositifs de type accompagnement individuel en entreprise. Couramment utilisés aujourd’hui dans le monde du travail, souvent demandés par les directions, il est cependant à manier avec beaucoup de précaution. Les risques encourus par la présence une telle approche ne sont en effet pas négligeables : tentatives par certaines entreprises de non respect des codes déontologiques et de l’éthique se retournant contre le salarié ou encore frein à la transformation organisationnelle à l’origine du mal-être sont connus. Ces dispositifs peuvent aussi, du fait de fragilités individuelles trop mises en avant, être utilisés à des fins de camouflage des mauvaises conditions de travail. Dans ces conditions, le risque est que les acteurs impliqués tel que les CHSCT se sentent fortement acculés. Dépossédés de leur moyens, ils peuvent alors se tourner vers des outils scientifiques dans l’objectif d’obtenir des « preuves irréfutables ». Mais malgré tout ces efforts de « démonstration scientifique », les exemples d’entreprises ayant eu recours à des batteries de tests et continuant à vivre dans des environnements perturbés foisonnent car « une chose est d'avoir la preuve que certaines formes d'organisation du travail sont pathogènes, une autre est de convaincre qu'il faut les transformer et de savoir comment ».
- L’ouvrage « pendant qu’ils comptent les morts » vient de paraître. Brigitte Font Le Bret, psychiatre et co-auteur du livre répond aux questions du quotidien Marianne. Selon elle, le recours au questionnaire pour prévenir les risques psychosociaux ne peut avoir qu’une portée limitée car « il s'agit encore une fois de mettre l'employé seul face à un papier pour remplir des verbatims » tandis qu’il est nécessaire, bien au contraire, d’établir « un dialogue entre le salarié et ses supérieurs ainsi que ses collègues pour libérer la parole. Qu'il n'y ait pas de non dit. »
- Le lancement d’un programme de formation en ligne visant à prévenir le stress vient d’être annoncé à l’Oréal. Plutôt ciblé sur des problématiques telles que le manque de confiance en soi ou le sentiment de ne pas être reconnu par la hiérarchie, il identifie les réponses adaptées face aux sources de stress. Cette méthode précise Maite Amostegui, « ce n’est pas l'arme unique de L'Oréal contre le stress mais un outil qui vise à prévenir plutôt qu'à guérir».
- Pour terminer, un article qui mérite vraiment le détour. Afin de mieux comprendre le phénomène des suicides au travail et de s’extirper de l’habituel clivage entre fragilité individuelle et responsabilité de l’entreprise, prenez le temps de lire l’interview d’Eric Hamraoui sur le concept de « travailleur dédoublé" (Entreprise et Carrières n° 995). Lumineux !

Bonne lecture à tous !


V.B