mercredi 16 mars 2011
Revue de presse - Veille de documentaire
Performance et reconnaissance
Un problème complexe en ressources humaines : celui des indicateurs de la performance au travail – auxquels se retrouve immanquablement corrélée la question de la reconnaissance. Une enquête dont rend compte un long article publié par Focus RH indique ainsi que 89% des salariés associent un « regain de stress » à la mesure de la performance telle qu’elle se pratique actuellement. Le reproche majeur fait aux directions est l’inféodation aux règles de performance financière dictées par les actionnaires. Non pas que les finances soient repoussées comme un non sujet - au contraire, la question de la rémunération comme symbole de la reconnaissance apparaît comme centrale : « « Les salariés s’estiment unanimement performants, mais ils regrettent que la performance ne tienne pas suffisamment compte des efforts individuels et se concentre sur des indicateurs globaux […] La grande majorité des salariés souhaite être davantage évaluée sur son action et son implication individuelles, qui pourrait plus fortement conditionner la rémunération. » Un tel résultat mérite néanmoins d’être discuté : à l’inverse, l’abandon de l’évaluation collective au profit de l’évaluation individuelle pourrait tout aussi bien devenir un facteur de désagrégation des équipes et de construction faussée de la reconnaissance (dans la mesure où les résultats ne sont jamais le fait d’un seul individu) – en d’autres termes, un puissant facteur de stress au travail….
Un article récemment paru aux Presses de Sciences Po fait d’ailleurs un rapide point historique sur ces pratiques d’évaluation individuelle, appliquées aux non cadres depuis les années 70 seulement, et justifiées alors par une perspective d’empowerment (un terme qu’on peut partiellement traduire ici comme responsabilisation) de l’ensemble des acteurs de l’entreprise. L’auteure, consultante-formateure, analyse en particulier le positionnement complexe de l’évaluateur : « C’est dans l’articulation entre l’emploi, le contenu du travail et la formation qu’est logée l’évaluation individuelle. Or cette articulation est pour Claude Dubar (1991) la composante principale de la construction des identités professionnelles. […] il n’est pas facile pour les responsables hiérarchiques de conjuguer les objectifs affichés de gestion des ressources humaines (avec leurs limites et suscitant des attentes fortes de la part des salariés) avec ceux découlant de la construction identitaire. Celle-ci demande un engagement personnel, voire affectif ou psychologique, difficile à apporter dans la situation de l’entretien d’évaluation. De plus, placée au centre de l’articulation entre des instruments de gestion ambivalents et le traitement différencié des parcours professionnels, l’évaluation individuelle positionne l’évaluateur au coeur des processus de pouvoir au sein de l’entreprise, en mettant à l’épreuve sa capacité à produire des régulations ayant du sens pour les personnes. »
Management équitable
Produire des critiques constructives qui fassent sens : c’est là un autre problème éthique, selon Courrier Cadres, attendu qu’il s’agirait pour les managers d’être, en période de crise, « sévères mais justes ». La fiche conseil qui leur est ici donnée articule également, d’un point de vue plus pragmatique évidemment, la question des évaluations individuelle et collective : il est notamment recommandé de « prépare[r] toutes [les] feuilles d’objectifs individuels en même temps pour des raisons de cohérence et d’efficacité » - ce qu’on peut entendre, c’est qu’il ne faut pas perdre de vue la remise en contexte collectif des performances individuelles, sous peine de favoriser certains plutôt que d’autres. Sont également données des recettes qui laissent sa place à un arbitraire censé compenser la subjectivité de l’évaluateur : « procédez à vos entretiens de manière groupée par ordre alphabétique », dit-on ainsi sur cette page….
Formation individuelle et politiques d’entreprise
Toujours du côté de la performance, la question de la formation individuelle justement : pour Josiane Vero (chargée d’études au CEREQ), qui accorde un entretien à Liaisons Sociales (n° 120), seule la politique globale de l’entreprise permet aux salariés d’une part d’avoir envie de se former, d’autre part d’accéder à une (in)formation qui leur soit adaptée. « La tâche est vaste », prévient-elle, dans la mesure où encore trop d’entreprises « privilégient le développement des compétences au service de l’entreprise avec peu ou pas d’espace pour le dialogue ». Ce sont donc des « contraintes structurelles » dont la prise en compte doit venir nuancer les approches uniquement centrées sur la responsabilité individuelle des salariés quant à leur formation.
Crédit photo : Pernmith
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