mardi 1 mars 2011
"Travailler mieux plutôt que travailler beaucoup"
Michel Moral est coach en entreprise et superviseur de coachs. Centralien, docteur en psychologie, il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Coaching d’équipe, outils et pratiques (2010, avec Michel Giffard) et Le manager global : comment piloter une équipe multiculturelle (2004). Son dernier livre, Tous les outils du coach, co-écrit avec Florence Lamy, sort ce mois-ci.
Travaillez-vous seul ou en équipe ?
Le plus souvent, à deux : cela permet d’avoir des implications à des degrés différents, et donc de garder un recul par rapport aux situations traitées. Il faut prévenir le plus possible le stress du coach lui-même car le stress de l’organisation se reproduit toujours sur l’équipe de coaching : c’est le phénomène de reflet systémique.
Sur quels aspects de la prévention des RPS le coach peut-il agir ?
Le coach repère et traite les éléments négatifs ou perturbateurs dans l’entreprise : l’excès de contrôle, la bureaucratie.... En d’autres termes, c’est sur la culture d’entreprise que le coach peut agir, quand elle est stressante. Par exemple, il y a un élément culturel dans le monde de la recherche qui est « travailler beaucoup c’est bien » : on travaille en effet pour le bien de l’humanité, et ce peut être le prétexte à tous les excès. Travailler mieux a sans doute plus d’intérêt !
Travailler mieux ?
Selon les contextes, on le définit différemment ; mais travailler mieux, cela n’a rien à voir avec ce que certains salariés entendent parfois : « vous pouvez faire mieux », commentaire trop vague, et donc terrible à entendre, dont on ne peut rien faire. Il faut exiger de savoir ce que « faire mieux » veut dire, au plan strictement factuel : pour un chercheur à qui on demande un compte-rendu, par exemple, ce peut être ajouter des tableaux, des schémas explicatifs ou une référence. C’est en cherchant à définir ces éléments concrets qu’on peut progressivement « travailler mieux ». Idéalement, ce que nous recherchons, c’est l’intelligence collective qui permet d’être efficace tout en ayant le bien-être au travail.
Qui vous contacte au sein de l’entreprise, la direction ou les salariés ?
Récemment, j’ai été sollicité par un comité de direction auquel un cabinet d’audit avait recommandé de recourir au coaching : pour ma part en effet, je travaille uniquement avec les directions. Tant qu’on n’a pas traité le problème à leur niveau, on n’a rien traité du tout.
Comment débutent vos interventions ?
Une possibilité est de travailler par questionnaire, autour des valeurs actuelles de l’entreprise. Nous les comparons aux valeurs désirées, celles vers lesquelles la culture d’entreprise devrait progressivement évoluer. Nous mesurons donc à un instant t un certain fonctionnement organisationnel et nous fixons de nouveaux objectifs pour l’organisation, dans une approche systémique : on ne peut pas faire du coaching pour la prévention des RPS en traitant uniquement les symptômes.
Comment travaillez-vous les résistances éventuelles à ce changement de valeurs ?
Le seul vrai moteur du coaching, c’est le désir : si les acteurs n’ont pas envie de changer, ils ne changeront pas – c’est le même principe que pour les thérapies. Le coach peut évaluer la capacité des acteurs à changer, leur en faire prendre conscience, puis travailler par exemple sur les transferts de pouvoir. On peut utiliser la motivation là où elle est déjà, et faire en sorte qu’on donne des moyens d’action à ceux qui sont prêts à porter le changement dans l’organisation.
Quel est le calendrier de ce type d’actions ?
Deux ans, trois ans… Ces processus de changements s’inscrivent dans la longue durée. Néanmoins, ils demandent également une certaine brutalité, au sens où la direction doit être vraiment motivée pour amorcer le changement. Le coach peut travailler sur cette motivation.
Quand est-ce qu’on sait qu’on a réussi à changer positivement la culture d’entreprise ? Ce sont les acteurs eux-mêmes qui vous le disent ?
Oui, et nous le vérifions par exemple en menant une nouvelle enquête par questionnaires : on peut cette fois-ci l’étendre au-delà du comité de direction, à toute l’organisation.
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