dimanche 20 juin 2010

Veille Documentaire du 15 Juin 2010

Bonjour à tous,

Voici un point sur l’actualité de la semaine.

-En mars dernier, Gaël Guiselin, conseiller à Pôle Emploi et Aude Rossigneux, journaliste, déclenchaient une polémique sur les conditions de travail avec l’ouvrage « Confessions d’une taupe à Pôle Emploi », où ils retraçaient la vie quotidienne des salariés et de leurs luttes incessantes contre une machine administrative un peu folle. Qualifiée de « carrefour des dysfonctionnements », l’organisation était tenue pour responsable d’une insatisfaction chronique des professionnels, en les réduisant à des « enregistreurs automatiques d’entretiens ». Trois mois après ce signal, l’alerte est de nouveau donnée, cette fois-ci par les syndicats. François Chérèque, président de la CFDT, a dénoncé « une situation intolérable, tant pour les demandeurs d'emploi que pour les salariés, qui subissent des conditions et des charges de travail inacceptables ». Selon les représentants syndicaux, près d’un quart des agents de Pôle emploi ont manifesté mardi 9 juin, ce mouvement constituant "un avertissement fort au gouvernement". Au moment de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC en janvier 2009, la ministre Christine Lagarde s’était engagée dans le sens d’une amélioration des conditions de travail en promettant un accompagnement par agent limité à un « portefeuille de 60 clients ». A l’heure actuelle, les agents suivent en moyenne entre 150 et 200 chômeurs par mois.
-Selon la Fondation européenne des conditions de travail, 22% de la population active européenne souffre de stress au travail et 23 % des salariés sont en situation de « tension au travail ». Ce phénomène prend des proportions telles qu’en 2008, pour la première fois, les consultations pour troubles psychosociaux sont devenues le premier motif de consultation avec un coût économique qui serait compris entre 830 millions et 1,7 milliard d'euros.
Pourtant, malgré l’intérêt des dirigeants européens sur cette problématique, les premiers résultats de la plus grande enquête sur la santé et la sécurité au travail (SST) menée en Europe montrent que la forte préoccupation concernant les risques psychosociaux est très loin de s’accompagner d’une implication actée des entreprises dans le domaine : seulement 25% des entreprises s’engagent dans des actions, alors que parallèlement, quatre dirigeants européens sur cinq se disent concernés. Des différences entre pays sont également notées, l’Irlande, les Pays-Bas et les pays scandinaves prenant le problème à bras le corps plus aisément que dans les pays du sud. On remarque aussi des variantes entre les secteurs, les interventions de psychologues étant plus régulières dans le secteur du travail sanitaire et social (37%) et celui de l’éducation (33%). Enfin, autre point particulièrement intéressant, l’absence de politique en matière de santé et de sécurité au travail est justifiée par 51% des interrogés européens comme le résultat d’un manque de compétences, ce pourcentage s’élevant à 65% en Allemagne et à 60% en France, ce qui laisse penser que « même dans les anciens états membres, les entreprises pourraient manquer de compétences nécessaires pour mettre en œuvre des politiques et des systèmes de SST »…
-Enfin, à cocher dans votre agenda, la 7ème édition de la « Semaine pour la qualité de vie au travail » aura lieu du 17 au 25 juin 2010. Organisée par le Réseau ANACT, son objectif est de proposer des pistes d’améliorations des conditions de travail et de les diffuser. Accessible à tous, elle s'adresse aussi bien aux dirigeants, DRH, élus CHSCT, représentants syndicaux qu’aux consultants, chercheurs, médecins du travail, partenaires sociaux, institutionnels etc.Bonne semaine à tous et à la semaine prochaine !
V.B
Revues de presse :
Grève à Pôle Emploi : Le Point, l'Humanité , AFP, France Info

lundi 14 juin 2010

Veille Documentaire du 08 Juin 2010

Bonjour à tous,

Au programme cette semaine, une actualité qui s’est montrée riche en réflexions et en remises en question !

Pour commencer, le syndicat professionnel des médecins du travail de La Poste a tiré la sonnette d’alarme dans un courrier datant du 20 Mai. Adressé au président du groupe Jean-Paul Bailly ainsi qu’aux ministres de l’économie, du travail et de la santé, le rapport de cinq pages fait état d’une situation très préoccupante au sein du groupe. Touchant l’ensemble des niveaux opérationnels de l’organisation, les mauvaises conditions de travail génèrent selon les auteurs des « inaptes physiques et psychiques ». De nombreux risques sont soulignés : absentéisme, épuisement, suicides ou tentatives de suicides « dont on peut penser qu’ils sont exclusivement liés à des situations de vie professionnelles », accidents de travail ou encore maladies professionnelles. Pointant les limites des dispositifs d’évaluation du stress mis en place dans l’entreprise, l’absence de moyens suffisants mis à disposition et le manque d’indépendance de la médecine du travail, le rapport à été qualifié par la direction de « procès d’intention inacceptable ».

Au mois de novembre dernier nous avions évoqué le rapport sur le développement du télétravail commandé par Nathalie-Kosciusko-Morizet. Il établissait un potentiel d’expansion du télétravail allant jusqu’à 50% des emplois dans les dix années à venir. L’étude récente menée par l’Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie (Obergo) nuance ce constat. Si elle est de plus en plus développée aujourd’hui, l’activité à distance n’est en effet pas toujours adaptée. Alertant sur le danger des discours prônant un « forcing » du développement du télétravail, les auteurs nous démontrent que la pression à vouloir répandre le télétravail de manière systématique peut relever d’une illusion. Si la majorité des personnes ayant opté pour cette solution se disent satisfaites, les conditions de sa réussite sont complexes et tiennent à un paradoxe : la qualité du travail et l’amélioration de ses conditions de vie se fait en échange d’une augmentation du temps consacré au travail. Selon cette étude, pour que cette organisation puisse avoir un impact positif, trois critères de réussites doivent alors être réunis : [1] les profils des salariés (autonome, aimant travailler seul etc.), [2] les rapports sociaux salariés / entreprises (rapport de confiance notamment) et [3] la spécificité des emplois et des métiers (exercer un métier « intéressant » permettant d’accepter de travailler plus par exemple).

Allant elle aussi dans le sens d’une déconstruction des représentations, une étude récente de TNS Sofrès s’est penchée sur le stress des entrepreneurs de TPE et PME. Au regard de cette analyse, nous apprenons que plus d’un tiers des entrepreneurs dépassent 60 heures de travail hebdomadaires, ressentent plus de stress et de fatigue que leurs salariés et que la moitié de cette population est sujette aux insomnies.

Comment faire du travail un facteur d’accomplissement ? Le dernier ouvrage d’Yves Clot fourmille de pistes de réponses. Il propose une porte de sortie aux dérives gestionnaires centrées sur les vulnérabilités individuelles et employées pour traiter la question de la santé au travail. Son parti pris est clair : si la confusion persiste entre soigner les personnes malades du travail et soigner le travail qui rend malade, nous risquons de dériver vers « un despotisme compassionnel » au service d’un nouveau contrôle social. Pour s’affranchir de cette « tyrannie gestionnaire », le remède réside dans la prise en compte de la qualité du travail et de son sens. Ainsi, en reconnaissant le conflit opposant le domaine de la gestion à celui de la santé, nous évitons de transformer la santé en marchandise et distinguons la psychologie de la toxicologie, la restauration du pouvoir d’agir des collectifs de la tentation hygiéniste.
Si vous souhaitez entendre Yves Clot, invité par France Culture à parler de son ouvrage « Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux », suivez le lien !

Enfin, du 6 au 9 Juillet, aura lieu à Lille un colloque organisé par l’Association internationale de psychologie du travail de langue française avec pour thème « Le travail dans tous ses états », avec entre autre les interventions d’Anne-Marie Vonthron et de Pascal Tisserant.


A la semaine prochaine !

V.B


Revues de presse :
La Poste : Libération, L'Expansion, Le Progrès

vendredi 11 juin 2010

Veille Documentaire du 01 Juin 2010

Bonjour à tous,

L’actualité de ces derniers jours me conduit à vous parler d’addiction en tant que conduite reposant sur une envie répétée et irrépressible et qui devient le seul centre d’intérêt de la personne, sa raison de vivre. Le plus souvent, ces comportements font l’objet d’images négatives et sont désapprouvées par la société. Parfois au contraire, en fonction de la culture en vigueur, elles sont valorisées et associées à des stéréotypes positifs. Pensez par exemple à l’image du fumeur viril, du cowboy solitaire ou de l’aventurier. Ou encore à celle des « grands bosseurs » récoltant promotions, respect et admiration de leurs collègues et supérieurs…

La relation pathologique au travail, déjà décrite en 1886 dans un roman de Zola et conceptualisée en 1971 par Wayne Oates, concerne aujourd’hui 10 à 20% de la population active (in Pour la Science). Cette dépendance au travail, appelée aussi Workaholism ou Ergomanie constitue un véritable enjeu de santé publique et intéresse la recherche depuis plusieurs années déjà, les Etats-Unis et Japon étant particulièrement prolixes sur le sujet. L’Espagne commence elle aussi à se pencher sur le problème. Ainsi, une étude récente dirigée par le psychologue Mario Del Libano de l'Université de Jaume a démontré que 12% de la population active espagnole était dépendante au travail et que « au-delà de 50 heures par semaine, on passe d'un travail intense, mais normal, à un travail pathologique de type addictif » (in IDPSI Mag).
Selon ses auteurs, sous certaines conditions l’individu va avoir tendance, pour augmenter son bien-être individuel, à réagir en se surchargeant d’activités. Différents facteurs externes et internes vont alors constituer le terreau d’une dépendance au travail : pressions sociales, familiales ou financières, compétition, peur de perdre son emploi mais aussi besoin de réussite et de reconnaissance afin de compenser une carence affective. Notons d’ailleurs que l’Organisation Internationale du Travail estime que 8% de la population active passe plus de 12 heures par jour au travail pour fuir ses problèmes personnels !
Pourtant, si cette réaction sert dans un premier temps à améliorer son équilibre psychique, elle est également responsable de nombreux effets délétères. Au niveau de l’individu, les céphalées, hypertensions artérielles, troubles coronariens, troubles du sommeil, ulcères et dépressions sont couramment retrouvés. La vie familiale est elle aussi impactée car les bourreaux du travail, même physiquement présents, ne peuvent jamais être complètement à l’écoute de leur entourage : « les conjoints et les enfants des « workaholiques » rapportent se sentir seuls, pas aimés et émotionnellement et physiquement isolés » (in Journal Association FSI). Sur le plan professionnel, leur perfectionnisme et leur incapacité à déléguer les tâches sont fréquemment responsables de relations conflictuelles avec les collègues.
L’étude s’attache à trois critères pour poser un premier diagnostic de dépendance au travail : [1°-] « une extrême activité après les heures de travail, durant les week-ends et les congés, [2°-] l'incapacité à déléguer des tâches et un engagement professionnel disproportionné, [3°] la détérioration de la vie quotidienne avec une mauvaise communication interpersonnelle en famille, en société et sur le lieu de travail ».

Dans cette ère où les exigences professionnelles se multiplient et où le travail remplace « tous les canaux de valorisation » (Koorosh Massoudi), il est urgent pour les organisations d’être sensibilisées à ce phénomène. Sa gravité prend en effet des proportions telles qu’au Japon, un mot a été créé pour désigner les morts par épuisement : « Karoshi ». Au niveau des entreprises, cette remise en question commence cependant à poindre et les initiatives pour améliorer un authentique bien être des salariés se multiplient : Canon élabore une charte pour mieux gérer sa santé et impose une journée par trimestre sans mail, Century 21 organise des ateliers de discussions en pleine nature (source de ressourcement !), tandis que d’autres initiatives sont très discutées (un contrat écrit engageant les salariés de F….n à ne pas se suicider ?...)

Je vous encourage à lire le document du Journal Association FSI. Très enrichissant, il a notamment l’avantage de vous proposer le test du Work Addiction Risk ; test élaboré par Robinson. C’est une bonne occasion de se regarder dans le miroir du travail, non ?

Très bonne semaine à tous !


V.B

mardi 1 juin 2010

veille documentaire du 25 Mai 2010

Bonjour à tous,

Voici un petit tour d’horizon de notre domaine.

La voix du nord s’est interrogée sur les raisons qui nous poussent à ne pas aimer notre travail. On apprend notamment par Yarine Fawaz, doctorante en Sciences économiques, que « plus on descend vers le sud de l'Europe, plus les salariés souhaitent partir tôt à la retraite. Ainsi 61 % des Italiens, 58 % des Français, mais seulement 42 % des Suédois et seulement 29 % des Suisses déclarent souhaiter prendre leur retraite "le plus tôt possible" ». Ce constat soulève un point important : une qualité de vie plus agréable – mer, soleil et nature- peut-elle susciter un tel détachement pour l’activité professionnelle ?... Autre préoccupation rapportée, le désintérêt grandissant de la jeune génération pour la valeur du travail. La réponse d’un jeune chroniqueur est sans appel : « Arrêtons les discours faussement paternalistes sur l'accomplissement de soi en entreprise : une société fait du business, pas de la philanthropie. Nous venons travailler pour manger. Si on s'épanouit dans notre travail, c'est formidable mais pas indispensable ».

Jean-Luc Placet, président du Syntec Conseil en Management nous fait part de ses craintes sur les conséquences des nombreux débats menés autour du stress au travail : « Si une entreprise ne pense qu'à "nurser" les hommes sans s'imaginer qu'il faut des règles du jeu pour que l'entreprise soit productive, le résultat sera mauvais ». Selon lui, la nécessité de mettre en place un plan de prévention du stress peut en effet tendre à percevoir l’organisation, son management et la direction par objectifs sous un angle strictement négatif. Or, sans distribution équitable entre le facteur compétitivité et le facteur humain, le risque de paralyser l‘innovation managériale est non négligeable.

A partir des données de l’Insee et celles du CépiDc, le programme Samotrace s’est donné pour mission de décrire les liens entre activités professionnelles et activité mentale en explorant le risque suicidaire au travail. Ce programme a réalisé une analyse descriptive de l’évolution des suicides chez les hommes actifs entre 1976 et 2002. Bien que les analyses des causes ou situations aigues ne sont pas étudiées, il permet cependant d’apporter des connaissances sur la mortalité par suicide et son évolution au fil du temps en fonction des secteurs professionnels. On observe ainsi que les secteurs de la santé et de l’action sociale présentent le taux le plus élevé, suivi, par les secteurs de l’administration publique, de la construction puis de l’immobilier. Ce taux de mortalité est trois fois plus élevé chez les ouvriers et les employés que chez les cadres.

A très bientôt et bonne semaine !

V.B